Allocution de M. Rachid Talbi El Alami Président de la Chambre des Représentants À la séance d’ouverture de la Conférence parlementaire sur la coopération Sud-Sud

15/02/2024

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux
M. Enaam Mayara, Président de la Chambre des Conseillers,
Mesdames et messieurs les Présidents des Conseils nationaux, chacun en son nom et qualité,
Mesdames et messieurs les chefs et les membres des délégations,
Mesdames et messieurs,
Je suis ravi de vous retrouver, chers invités, et de vous souhaiter la bienvenue au Royaume du Maroc, à l’aimable invitation de mon collègue, M. Enaam Mayara, à qui je renouvelle mes remerciements d’avoir impliqué la Chambre des Représentants dans cette Conférence parlementaire qui a pour but de contribuer, à travers des idées et des propositions, au renforcement de la coopération Sud-Sud dans les contextes régionaux et internationaux actuels.
Comme nous le savons tous, l'idée de la coopération Sud-Sud ne date pas d'aujourd'hui, car il y a plus de 60 ans, le Mouvement des non-alignés a vu le jour dans le contexte de la guerre froide. Il s'agit d'un mouvement mondial qui s'oppose au colonialisme et cherche à garder une distance des deux pôles du monde pendant 45 ans.
Dans la dynamique de sa création, les peuples et les dirigeants des pays du Mouvement aspiraient à permettre aux pays de l’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Asie, et d’une partie de l’Europe de l’Est, d’accéder au développement commun et de prendre la décision politique et diplomatique indépendante pour leurs pays. Toutefois, l’idéologisation du Mouvement, son manque d’attachement à l’esprit de sa création, ainsi que les circonstances difficiles auxquelles ont fait face quelques-uns de ses pays lors de la construction de l’État-nation, sont tous des facteurs qui ont affaibli ses nobles enjeux.
Nous ne sommes pas en train d'évaluer la performance du Mouvement des non-alignés, auquel nous souhaitons le plein succès, dans sa forme et sa vision actuelles, mais nous sommes en train de rechercher les moyens qui permettent à nos pays de progresser sur les plans économique, politique et social, et d’occuper la position qu’ils méritent dans le monde du XXIe siècle, en jouissant de leurs ressources vastes et diversifiées et en influençant les décisions internationales d’une manière qui reflète leur histoire, leur poids et leur démographie.
Dans l’ensemble des problématiques et des questions proposées au débat lors de cette conférence, nos pays disposent de tous les moyens et les atouts pour progresser et émerger, et pourquoi pas changer le cours de l’histoire.
Dans les domaines de l’économie, des énergies et des matières premières, nos pays disposent d’énorme potentiel :
●     Ils disposent des minéraux et des richesses considérés aujourd’hui comme la clé des industries technologiques et mécaniques, à l’exception du gaz et du pétrole, en sus de leur énorme potentiel de production d’énergie à partir de sources renouvelables ;
●      Nos pays disposent également des plus larges terres arables du monde. À cet égard, notre continent africain englobe à lui seul 60% des terres arables du monde, et vous pouvez imaginer le rôle qu’il peut jouer dans un monde où la course pour la nourriture ne cesse de s’intensifier ;
●     En plus, Dieu a béni nos pays avec des emplacements immenses, car ils se trouvent entre les trois plus grands océans du monde et trois grandes mers. Il ne vous est occulte l’importance des mers, des plateformes et des voies maritimes dans le commerce international, dans l’approvisionnement alimentaire, dans l’activité touristique et dans la communication. Considérons, à titre d’exemple, notre continent africain qui dispose à lui seul de 13 millions km² de fond marin, 6,5 millions km² de plateau continental et des côtes s’étendant sur 26,000 km². Cher(e)s collègues, la majorité de vous sont certainement plus conscients que moi de l’importance stratégique des mers, des voies maritimes et des ports dans le commerce international qui est fortement touché aujourd’hui par les situations géopolitiques et sécuritaires dans le monde, notamment la situation au Moyen-Orient.
●     En plus de tout cela, nos pays possèdent d’énormes ressources humaines, dont le noyau est une jeunesse aspirant à un meilleur futur et à de meilleures conditions de vie, à l’instar de celles dont jouissent les jeunes des pays du Nord.
La richesse de nos cultures, leur diversité, leur profondeur et leur enracinement demeurent des fondamentaux de la renaissance de nos groupes régionaux. Il est question d’une mosaïque qui ne peut faire l'objet ni de standardisation ni de dominance, car elle est le moteur d’une conscience historique et un catalyseur de l'attachement aux origines d’une manière qui n’exclut pas l’autre ni rend la différence avec lui un obstacle empêchant la coopération, l’acculturation et l’échange.
Mesdames et messieurs,
Face à ce potentiel qu’il convient de transformer en richesses et en projets, se pose la question des défis auxquels nos pays sont confrontés.  Parmi ceux-ci figurent les défis de l'instabilité, des conflits, des migrations, des déplacements, de l'asile, des répercussions des déséquilibres climatiques, de la faiblesse des investissements et des capitaux, de la faiblesse des échanges entre nos pays et leur liaison principalement avec les pays du centre, de la médiocrité des valeurs d'exportation de nos biens et de notre incapacité à obtenir de nouvelles technologies et compétences pour transformer notre potentiel en richesses.
Je crois que pour surmonter ces défis, nous devons rechercher la complémentarité entre nous, exploiter les opportunités qui nous sont offertes et assurer un environnement approprié et attractif pour les investissements à travers les législations ouvertes, la gouvernance du service administratif et l'encouragement de la culture entrepreneuriale.
Nos pays disposent d’un énorme potentiel pour investir dans l’économie verte et les énergies renouvelables, avec les opportunités d’emploi que ces deux secteurs créent, la dynamique économique qu’ils lancent et le positionnement mérité qu’ils offrent dans les sociétés de l’information et du savoir.
Bien entendu, notre alliance en tant que groupes géopolitiques autour de décisions politiques unifiées, le rejet des différends entre nos pays et notre engagement total à respecter la souveraineté, l'intégrité territoriale et les décisions souveraines de nos pays sont aujourd'hui des conditions confirmées par les leçons de l'histoire pour atteindre nos objectifs.  Nous avons de nombreux exemples de succès internationaux. Les pays de l'Union européenne, à titre d'exemple, ont réussi à atteindre ce niveau après s'être engagés à ce qu'il n'y ait pas de guerre après la Seconde Guerre mondiale à l'intérieur des frontières de la Communauté européenne. Ils ont destiné les richesses minières et l'argent alloué aux armes aux industries modernes et à la construction des grandes installations, comme ils ont ouvert les frontières entre eux et unifié leurs politiques et leur monnaie.
Je ne crois pas que nos pays soient incapables de réaliser de tels projets s'il existe une volonté politique et une détermination au sein de leurs institutions, que ce soient les gouvernements, les parlements et les élites, et si les citoyens croient en cet objectif, d'autant plus que nous disposons de systèmes régionaux efficaces, que ce soit en Amérique latine, en Afrique ou dans le monde arabe, en particulier dans le Golfe arabe.
Nous, en tant qu'institutions législatives en particulier, devons unifier nos plaidoyers dans les forums internationaux pour défendre nos causes, plaider contre l'injustice dont nos pays ont été victimes dans le contexte d'un ordre mondial injuste, et insister sur notre droit de bénéficier de la technologie et des compétences qui devraient être transférées au moindre coût.
 
 
Cher(e)s collègues,
Je ne parlerai pas beaucoup des efforts déployés par le Royaume du Maroc pour atteindre ces objectifs lors de la lutte pour l'indépendance, à laquelle nous avons tous participé, lors de la phase de construction de l'État-nation, et aujourd'hui dans le contexte de la mondialisation et de ses défis, mais permettez-moi d'évoquer l'un des projets ambitieux et créatifs récemment proposé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, consistant en l'initiative visant à renforcer l'accès des pays du Sahel à l'océan Atlantique et à développer la côte atlantique africaine.
Il ne fait aucun doute que nos trois groupes géopolitiques : l’Afrique, le monde arabe et l’Amérique latine, sont tous concernés par cette initiative innovante et stratégique. Imaginons l'ampleur de la dynamique qu'elle lancera, la grandeur du développement qu'elle engendrera, les grands bénéfices que nous en retirerons et, essentiellement, la valeur d'une solidarité fructueuse d’un bénéfice stratégique commun. Il s’agit de grands projets d’investissement pour la connectivité, la communication, la production et l'intégration dans d'immenses ressources humaines et naturelles.
Ce n'est qu'une des initiatives et des projets profondément ancrés que le Royaume n'hésite pas à proposer dans le cadre de la doctrine de la coopération Sud-Sud, qui fait aujourd'hui partie et composante du crédo de la diplomatie marocaine telle qu'établie et conduite par Sa Majesté le Roi, que Dieu l'assiste.
Je vous remercie de votre écoute et je souhaite plein succès à vos travaux.