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Allocution de M. Rachid Talbi El Alami à l’ouverture du séminaire sur l’évaluation des lois

05/03/2024

<p style="text-align: center;" align="center"><strong>Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux, prière et salut sur le Messager de Dieu et Ses Nobles Compagnons,</strong></p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs les parlementaires,</strong></p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Son Excellence l'Ambassadrice de l'Union européenne auprès du Royaume du Maroc,</strong></p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Chers professeurs et experts,</strong></p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs,</strong></p>
<p style="text-align: justify;">J’ai le plaisir d’ouvrir avec vous les travaux de ce débat qui porte sur un sujet qui occupe, dans le contexte actuel, une place centrale dans les préoccupations des institutions législatives, des partenaires de la démocratie, des académiciens et des institutions de recherche. Comme vous le savez, il s'agit d'évaluer la mise en œuvre des lois et de mesurer leur impact sur les sociétés.</p>
<p style="text-align: justify;">Je tiens tout d'abord à saluer le partenariat existant entre l'Union européenne et la Chambre des Représentants, en ce qui concerne l’appui à la démocratie et la facilitation des échanges et du dialogue entre notre Chambre et un certain nombre d'institutions législatives nationales européennes, comme en témoigne le deuxième projet de jumelage en cours de mise en œuvre.</p>
<p style="text-align: justify;">Je loue également le partenariat existant entre la Chambre et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui a pour but de faciliter la prise de connaissance mutuelle des pratiques parlementaires et de soutenir le partenariat et le dialogue politique institutionnel existant entre le Parlement marocain et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, encadré depuis 2011 par le statut de «&nbsp;partenaire pour la démocratie&nbsp;» dont jouit le Parlement marocain au sein de cette Assemblée.</p>
<p style="text-align: justify;">Je saisis cette occasion pour réaffirmer notre aspiration à un statut plus avancé et à un partenariat plus profond avec cette Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe en général, et ce, en vue de capitaliser ce qui a été réalisé en termes de nos relations et de valoriser la maturité démocratique et institutionnelle atteinte par notre pays, comme l'a souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, dans son Message Royal aux membres du Parlement à l'occasion de la commémoration du 60ᵉ anniversaire de la création du premier Parlement élu au Royaume du Maroc.</p>
<p style="text-align: justify;">La promotion du partenariat entre le Parlement marocain et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sera également une reconnaissance des importantes réformes institutionnelles multidimensionnelles entreprises par le Royaume et une consolidation de son positionnement régional et international.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs,</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Comme vous le savez, la Constitution de 2011, qui a compris d'importantes réformes, lancé des dynamiques de réforme dans divers domaines, encadré la protection des droits, élargi le champ de la loi et renforcé les pouvoirs du Parlement, a prévu la constitutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques en tant que nouvelle compétence du Parlement.</p>
<p style="text-align: justify;">Il s'agit d'une réforme centrale visant à renforcer la pratique démocratique, l'État de droit et des institutions, et la bonne gouvernance. Pour concrétiser cela, le Parlement a veillé à l’élaboration et la publication d’un cadre de référence pour l'évaluation des politiques publiques, ce qui constitue une initiative pionnière au niveau mondial et un guide de référence pour la réalisation de l'évaluation selon des critères et des règles précis.</p>
<p style="text-align: justify;">Après quatre évaluations des politiques publiques entre 2015 et 2021, nous avons lancé, lors de cette Législature, six évaluations, dont l'évaluation des conditions et des circonstances de mise en application de la loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, dont l'importance et les enjeux sociétaux, de droits et démocratiques sont clairs.</p>
<p style="text-align: justify;">Avant d'aborder le contexte de l'évaluation de l'application de cette loi, permettez-moi de partager avec vous certains des défis de l'évaluation de l'application des lois et de ses objectifs.</p>
<p style="text-align: justify;">Il s’agit d’une pratique dans laquelle se convergent les trois fonctions traditionnelles dévolues aux Parlements : la législation, le contrôle de l'action gouvernementale et l'évaluation des politiques publiques. Lorsque nous soumettons l'application d'une loi à l’évaluation, nous le faisons dans le but de l'améliorer ou de la modifier partiellement ou complètement. En amont de cela, l’interpellation du Gouvernement sur sa mise en œuvre, ses circonstances, son efficacité et son impact reste l’une des prérogatives dont les Parlements sont investis dans le cadre de leur interaction avec le Pouvoir Exécutif.</p>
<p style="text-align: justify;">Lorsque nous soumettons une loi à l'évaluation, nous le faisons dans le but de prendre connaissance de l’impact de sa mise en œuvre sur la société, de mesurer son efficacité et de déterminer dans quelle mesure les parties prenantes sont satisfaites de sa mise en œuvre et les obstacles rencontrés pour atteindre ses objectifs. Sur cette base, les Parlements et les Gouvernements peuvent agir en fonction de la perception et de la connaissance de l'ampleur de l'impact législatif et s’orienter vers la réforme ou le changement, c’est-à-dire, en intervenant par le biais de la loi et en comblant les lacunes ou en fournissant les ressources matérielles ou humaines pour mettre en application la loi et contrer les obstacles entravant sa mise en œuvre.</p>
<p style="text-align: justify;">Pour que l’évaluation ex post des lois soit efficiente, la loi soumise à l'évaluation doit être en vigueur depuis au moins trois ans en tant que norme internationale. Du point de vue méthodologique, il est important d'impliquer les parties prenantes concernées par la loi et les représentants de la société civile dans le processus d'évaluation. Le recours à des audiences publiques en tant que source importante pour collecter la plus grande quantité d’informations et de données sur l'application de la loi reste un acte essentiel pour la gouvernance de l’évaluation. Cela est susceptible de susciter l'intérêt du public pour l’action parlementaire et de mobiliser un appui en faveur des réformes.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs,</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Dans le cadre de leurs efforts pour relever les défis auxquels la démocratie est confrontée au 21e siècle, notamment les tendances anti-institutionnelles, le recul de l'engagement politique et l'abstention électorale, de nombreux Parlements, dont le Parlement du Royaume du Maroc, renforcent leurs compétences et leurs fonctions, en particulier en évaluant et en contrôlant les politiques et les programmes publics.</p>
<p style="text-align: justify;">Il ne fait aucun doute que cela donne un nouvel élan à la pratique démocratique, à la participation et à la confiance dans les institutions.</p>
<p style="text-align: justify;">L'évaluation des lois est au cœur de cette approche novatrice de la pratique parlementaire, étant l’une des caractéristiques de la nouvelle démocratie. Parmi ses avantages, elle facilite le lancement de nouvelles dynamiques dans la vie parlementaire en relation avec les questions de la société, nous alerte sur les lacunes potentielles dans les législations nationales et nous permet d’impliquer d'autres acteurs dans l'évaluation, et donc dans l’exploration du futur, ce qui accroît l'efficacité des lois et la démocratie en général.</p>
<p style="text-align: justify;">Dans cette perspective, la Chambre des Représentants a choisi la Loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes pour faire l’objet d’évaluation. Il s'agit là d’un texte central dans les législations nationales, avec des extensions de droits de l’Homme, sociétales, économiques, éducatives et culturelles.</p>
<p style="text-align: justify;">Bien que la violence contre les femmes reste une pratique condamnable et inacceptable, constituant une atteinte aux droits humains des femmes et des enfants, elle demeure malheureusement un phénomène mondial observé dans différentes sociétés, civilisations et cultures, et nécessite de s’attaquer à ses racines et ses causes, notamment la vulnérabilité et les représentations sociales.</p>
<p style="text-align: justify;">Si l'adoption de cette loi s'inscrit dans le cadre des réformes de droits de l’Homme que le Maroc a entreprises depuis environ un quart de siècle, notamment les réformes en faveur des femmes et des familles parrainées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, soumettre cette loi à l’évaluation après environ cinq ans de sa mise en œuvre reflète la volonté collective de l'améliorer et de la rendre plus efficace. Cela incarne principalement la volonté politique d'éradiquer ce phénomène contraire aux principes de droits de l'Homme et aux valeurs humaines, en assurant la base juridique pour la répression, la prévention, l'éducation et la prise en charge des victimes.</p>
<p style="text-align: justify;">L'évaluation de cette loi par la Chambre des Représentants, comme vous le savez, coïncide avec le lancement par Sa Majesté, le Commandeur des Croyants, du chantier de révision du Code de la famille après environ vingt ans d'application, et la nomination par Sa Majesté d’une instance chargée d'élaborer des concepts et des approches pour la révision, afin de remédier aux déséquilibres constatés lors de son application, et de rendre les dispositions du Code conformes à la Constitution que nous sommes fiers d'avoir, une Constitution avancée et libérale, garantissant les droits et les devoirs, en phase avec l'esprit du temps et les valeurs marocaines authentiques.</p>
<p style="text-align: justify;">Nous sommes également fiers que ce chantier, ainsi que la réforme des questions de la famille et leur encadrement, jouissent de la supervision, de l'attention et de la haute sollicitude de Sa Majesté en sa qualité de Commandeur des Croyants. Nous sommes également fiers de la méthodologie de dialogue et d’implication adoptée par l’instance chargée de réviser le Code pour formuler les propositions qui seront soumises à Sa Majesté.</p>
<p style="text-align: justify;">Cette méthodologie incarne le choix de l’implication et du consensus qui caractérise le modèle marocain dans l'adoption de réformes sociétales majeures, ce qui a contribué – grâce à l'accumulation des réformes - à la mise en place d’un modèle institutionnel démocratique unique qui fait de notre pays une puissance démocratique et économique émergente, créative en combinant sa profondeur civilisationnelle ancienne et riche, ses traditions institutionnelles enracinées et les valeurs positives de l’époque.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs,</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Au Maroc, nous sommes conscients que garantir les droits des femmes et des familles ne peut se réduire à la législation, à la réglementation et aux institutions. Cela nécessite des politiques et des interventions publiques qui donnent un sens concret aux lois, en favorisant l'autonomisation et la possession des moyens assurant des revenus durables, garantissant l'indépendance des femmes et les éloignant de la vulnérabilité et de l'exclusion.</p>
<p style="text-align: justify;">À cet égard, il convient de rappeler les programmes de protection sociale et l’aide directe aux personnes dans le besoin, en particulier les femmes, car ils font partie des initiatives qui jouissent d'une Attention Royale particulière.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Mesdames et messieurs,</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Je ne rentrerai pas dans les détails de l'évaluation des lois et de la mesure de leur impact, ni dans les méthodes adoptées par les Parlements, chacun selon son contexte institutionnel. Cependant, je tiens à saluer le travail du Groupe thématique que nous avons chargé, au sein du Bureau de la Chambre et au niveau des présidents des Groupes et du Groupement parlementaires, d'accomplir ce premier exercice en matière d'évaluation des lois, saluant la méthodologie d'ouverture et d'implication qu’il a adoptée, à travers les audiences organisées avec diverses institutions, administrations et organisations non gouvernementales, tout en sachant que nous sommes déterminés à discuter du rapport que le Groupe est sur le point de finaliser lors de la prochaine Session législative.</p>
<p style="text-align: justify;">Je saisis cette occasion pour saluer la participation de «&nbsp;la Commission de Venise pour la démocratie par le droit&nbsp;» relevant du Conseil de l'Europe, ainsi que de louer ses efforts et son ouverture. De même, nous soulignons notre aspiration à renforcer davantage la coopération avec cette institution de réflexion, dans laquelle le Maroc est membre depuis 2007.</p>
<p style="text-align: justify;">Aussi fiers que nous soyons des pratiques distinguées que nous avons accumulées à la Chambre des Représentants dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques, et de leur lien avec le contexte national actuel, au point que je considère que nous sommes en train d’instaurer une pratique parlementaire marocaine pour évaluer les politiques publiques, nous sommes déterminés à développer en permanence cette prérogative et à consacrer l'évaluation des effets des lois et leur impact en tant que partie de cette pratique.</p>
<p style="text-align: justify;">L'objectif principal reste de mettre en œuvre la gouvernance des politiques publiques, de déterminer l'impact des dépenses publiques, de garantir les droits et de maintenir la vigilance législative, et ce, afin de surmonter les lacunes et de développer nos législations nationales pour assurer les droits et reconnaître les devoirs dans le cadre de l'État des institutions et du droit.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Je vous souhaite plein succès dans vos travaux et je vous remercie pour votre écoute.</strong></p>